Un nouveau plan gouvernemental de lutte contre la maltraitance animale a été présenté par Gérald Darmanin ce vendredi 27 janvier.
Le ministre de l’Intérieur a précisé que le gouvernement allait renforcer la lutte contre les «actes de violences insupportables» que subissent les animaux.
Pour ce faire, Gérald Darmanin a indiqué que serait nommé dans chaque commissariat et brigade de gendarmerie un «référent» chargé de «prendre les plaintes et d’enquêter» sur toutes les affaires afférentes à la maltraitance animale . Un contingent total de 4.000 agents a été évoqué.
Une mesure forte qui va dans le sens de ce que souhaite Jacques-Charles Fombonne, ex-général de la gendarmerie, aujourd’hui à la tête de la SPA. Nous l’avions rencontré : (conf N° 32 du « Pandore et la Gendarmerie » encore disponible à l’achat pour 12 €.)
Le Pandore – Mon général, votre expertise en matière de police judiciaire vous a-t-elle servi, vous sert-elle encore dans votre nouveau domaine de prédilection ?
Général Fombonne – Elle me sert de façon ponctuelle. Elle me sert d’abord parce que nous avons des enquêteurs, nous avons quelque 1 500 bénévoles qui vont chez les gens, qui vont chez les éleveurs, aux endroits où on nous signale de la maltraitance. Ils se présentent, ils n’ont aucun pouvoir d’OPJ, ils vont voir les gens dont on nous a dit que leur animal était maltraité pour leur demander comment ils s’en occupent. Si les gens ne veulent ni répondre, ni les laisser rentrer chez eux, alors on demande aux policiers et gendarmes d’agir.
Cette expertise me sert dans mon activité pour évaluer la situation : ça on a le droit, ça on n’a pas le droit.
Ensuite, ça me sert également beaucoup dans les relations avec mes intervenants, c’est-à-dire que, lorsque l’on fait une saisie dans un élevage clandestin, et que l’on est en zone de gendarmerie, j’appelle évidemment le général qui commande la région ou le commandant de groupement pour me mettre d’accord avec lui et voir comment on peut s’organiser. Quand on sollicite la force publique, quand j’écris au maire, quand j’écris au préfet, quand j’écris aux autorités départementales, au magistrat pour le solliciter quelque chose gendarme favorise énormément les choses. Pas plus tard qu’hier, j’étais à la chancellerie à la demande du garde des Sceaux qui souhaite, d’une part, mettre en place des chiens d’assistance judiciaire dans les tribunaux pour assister les enfants qui ont surtout été victimes d’agression sexuelle et, d’autre part, mettre également des chiens dans les centres éducatifs fermés, c’est-à-dire les endroits où il y a des mineurs délinquants. C’est un projet qui me correspond bien et je pense que le fait d’être gendarme a facilité cette démarche du garde des Sceaux. Le ministre se dit « Tiens, on va demander à Fombonne car, du point de vue juridique, du point de vue judiciaire, du point de vue de la procédure pénale, on n’aura pas besoin de lui expliquer pendant dix ans comment ça fonctionne, on va gagner beaucoup de temps ». Et ça, ça m’aide.
Et puis ça m’aide en interne parce qu’on a structuré cette maison en régions. Quand je suis arrivé, les 72 refuges étaient directement en contact avec le siège à Paris. Donc vous imaginez : quand le refuge de Perpignan avait besoin par exemple d’une avance de caisse de 50 euros, de faire changer deux carreaux, de faire remplacer l’évacuation des toilettes ou de changer le bureau qui était cassé, et bien c’était comme dans la gendarmerie il y a 70 ans. C’est-à-dire qu’il fallait prendre la gomme et le papier, et écrire à Paris. Evidemment, vous aviez une réponse tous les 3 ans, parce que les types étaient complètement débordés. Alors, on a mis en place une organisation refuge/région/Paris et, pour le coup, ça marche infiniment mieux qu’avant.
Le Pandore – En 2021, la Police et la Gendarmerie ont relevé 12 000 infractions contre des animaux domestiques. Le ministre de l’Intérieur Gerald Darmanin a décidé la création d’un service dédié, une division de quinze policiers et gendarmes chargée de lutter contre la maltraitance animale. Est-ce une bonne décision ?
Général Fombonne – Oui, parce que ça va m’aider énormément. J’ai appelé le général Sylvain Noyau qui commande l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et lui ai proposé de former ces quinze enquêteurs gratuitement. Ça va nous permettre, avec nos enquêteurs et d’autres associations, d’aller sur les lieux et de constater les faits qui sont constitutifs d’infractions. Ensuite, on saisit la brigade, on saisit le commissariat, on les forme, il y a des policiers qui viennent se former chez nous et peuvent prendre l’enquête en main. Quand on va avoir à faire face à de grands trafics internationaux d’animaux exotiques, à des importations illégales de bovins dans les abattoirs, on va pouvoir, avec cette équipe d’enquêteurs animaux, avoir un relais auprès de l’OCLAESP. Ils deviendront des enquêteurs privilégiés. C’est une excellente idée, et vous verrez que d’ici cinq ans, au lieu de quinze enquêteurs, ils seront quarante.
Le Pandore – Vous avez également décidé de recruter des centaines d’enquêteurs bénévoles afin de vérifier les signalements de maltraitance animale, comment ça va-t-il se passer ?
Général Fombonne – On est passé de 14 000 à 22 000 signalements en 2022. En premier lieu, parce que l’on a changé notre mode de signalement. Avant les gens écrivaient, il manquait une adresse, il manquait un numéro, il manquait une précision pour qu’on puisse aller vérifier, on perdait un temps fou. Maintenant, vous voulez signaler une maltraitance, vous allez voir quelle est la marche à suivre directement sur notre site. Vous avez un formulaire et dans ce formulaire, vous avez toute la procédure. Celui-ci nous parvient par Internet, on l’envoie au refuge, et dans les deux minutes qui suivent le refuge le donne à un délégué enquêteur, qui, à ce moment-là un peu comme les gendarmes, se déplace, va voir les gens et leur dit « Ecoutez, on nous signale que vous ne vous occupez pas de votre animal, est-ce que vous acceptez de nous le montrer, de nous montrer les conditions dans lesquelles il vit ». Et si vraiment on constate que ce n’est pas conforme aux règles, on ajoute « Est-ce que vous acceptez de nous le donner pour qu’on le propose à l’adoption ». La plupart des gens nous les donnent parce que souvent, les vagues de maltraitance, ce n’est pas parce que les gens sont sadiques, c’est simplement parce qu’ils n’ont pas de ronds, parce qu’ils ne sont pas là pour s’en occuper et que le chien ou le chat finit par vivre en dehors des clous, par ne pas être soigné, par ne pas aller chez le vétérinaire etc.
Le Pandore – Il y a un débat autour de la corrida qui agite beaucoup la classe politique ces derniers temps. Un amendement pour sa suppression a même été rejeté à l’Assemblée nationale. Etes-vous pour ou contre cette tradition ?
Général Fombonne – Nous, on est évidemment contre la corrida, mais on est quand même particulièrement déçu parce que ce qui s’est passé à l’Assemblée, ça a fait « pschitt » comme disait Chirac. Moi, je n’ai toujours pas compris comment dans une République, alors que plus de 80 % des gens, 90 % chez les jeunes, sont tous opposés à la corrida, la représentation nationale ne vote pas l’abolition. Normalement, le législateur doit représenter nos idées. On est contre la corrida, évidemment on est contre, parce qu’il n’y a aucun argument qui milite en faveur de la corrida. Tradition nous dit-on. La tradition, ce sont les courses de taureaux, les courses de vachettes. Ça, on est d’accord, ça existe depuis Philippe le Bel. Evidemment, c’est de la maltraitance, mais c’est la différence entre une paire de gifles et la mort après un acte de barbarie. Moi, je ne fais pas partie des gladiateurs de la protection animale. Si on arrive à supprimer la corrida et qu’il y a maintien des courses taurines, et bien je suis d’accord. Pour le coup, c’est une vraie tradition. Certes, l’animal acteur est un peu stressé mais il ne faut pas non plus être excessif dans ce domaine. Mais la corrida n’est pas une tradition, elle a été importée d’Espagne par Napoléon III qui voulait faire plaisir à sa femme, Eugénie de Montijo, qui était espagnole. D’ailleurs, la meilleure preuve, c’est que tous les termes de la corrida sont des termes espagnols. Ce n’est pas du catalan, ce n’est pas du basque. Torero est un terme espagnol. Matador, celui qui tue, est un terme espagnol. Ensuite, on nous dit que c’est de l’art. Non, ce n’est pas de l’art, c’est une méthode pour tuer, une technique létale. Si vous enlevez les jolies filles, la musique, la couleur et les mecs qui jouent du tambour, vous habillez le mec en blanc avec une blouse et des bottes en plastique, et bien ça ressemble à un abattoir à ciel ouvert où on fait courir la bête avant de la tuer.
Le torero risque sa vie ? Oui, mais il peut rouler aussi à 240 à l’heure sur le périphérique, sans casque, les yeux bandés à moto, ce n’est pas pour cela que ça rend la chose plus artistique et plus intelligente, et que cette démarche mérite pour autant d’être louée. L’animal doit être traité avec dignité. Est-ce que quelqu’un peut raisonnablement et intelligemment dire que l’animal est traité avec dignité et qu’il est sensible à ça ? Non parce qu’il doit mourir. Je suis même sûr que l’animal n’est pas du tout du tout sensible à ce que l’homme appelle de la dignité ou le fait de lui rendre honneur. Le taureau a été tué, on l’attache par les pattes, on lui fait faire le tour de l’arène, les gens se lèvent pour le saluer. C’est complètement ridicule. C’est de l’anthropomorphisme, c’est-à-dire que l’on applique à l’animal des sentiments et une appréciation des choses qui ne sont sensibles que pour l’homme, ça n’a pas de sens. Si on arrête la corrida, il n’y aura plus de taureaux de combat. Oui peut-être, mais ce n’est pas une race naturelle, ce sont des animaux qui ont été depuis toujours sélectionnés pour le combat. Cet animal est un produit.
Ensuite, on nous dit que c’est un spectacle, que c’est au-delà de la chasse, et qu’il y a des gens qui payent pour venir voir ça. Mais les gens qui payent, ce sont aussi les collectivités publiques. Comme il y a de moins en moins de monde qui vient voir les corridas, il y a des subventions des collectivités territoriales. Quand on dit, il y avait un million de personnes à la féria de Nîmes. Oui, elles viennent pour boire un coup, pour rigoler entre copains, pour danser dans les rues, mais vous n’avez que 10 000 personnes à la corrida. Il ne reste quasiment plus d’aficionados. On n’a aucun argument qui ait vraiment du sens. C’est un spectacle de mort, c’est de la torture. On a attaqué les villes taurines devant les tribunaux. On a perdu, mais on a gagné quelque chose d’important malgré tout, c’est que tous les tribunaux nous ont confirmé que la corrida constitue un sévice, c’est-à-dire que maintenant, si on fait sauter le verrou législatif et que la loi ne reconnaît plus cette exception locale, la corrida sera interdite partout.
Le Pandore – Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le projet Arion en partenariat avec l’Armée de terre ?
Général Fombonne – C’est un projet auquel je tiens beaucoup, L’idée est qu’il y a des jeunes garçons et aussi des jeunes filles qui sont en syndrome post-traumatique après être rentrés d’Afghanistan, de Syrie, etc. Mon grand-père qui était rentré de la guerre de 14 était dans le même état et se soignait au gros rouge 12°. Là, on essaie de mettre en place un échange d’animaux avec l’armée. On leur donne les animaux, l’armée trouve les blessés psychiques qui en ont besoin et les font accompagner par des éducateurs canins. Le 132e régiment d’infanterie qui est à Suippes forme tous les maîtres de chiens de l’Armée de terre. Ils viennent chez nous choisir les chiens, ils les éduquent, ils choisissent ensuite les blessés. Et puis, à l’image des chiens-guides d’aveugles, ils forment un binôme avec l’animal. Et on se rend compte que le chien produit un
mieux-être formidable pour le jeune qui est en détresse psychique. Ce que j’aime beaucoup, c’est la même idée avec les jeunes délinquants. Moi j’ai fait trente ans de police judiciaire. Les mineurs délinquants sont des victimes. Alors c’est vrai qu’on a souvent envie de leur mettre une baffe quand on les a en garde à vue parce qu’ils sont mal élevés, parce qu’ils sont insultants, mais tous sont des victimes de ce système ou d’un mode d’éducation. Moi l’idée de sauver des jeunes avec des animaux qui ont été abandonnés, c’est une reconstruction réciproque, l’animal est une victime de la société parce qu’il a été abandonné. Et puis le jeune, d’une certaine façon, a été victime de l’éducation qu’il n’a pas eue, de l’instruction qu’il n’a pas reçue, de la connaissance qu’on ne lui a pas inculquée et des limites que ses parents n’ont pas données. Par conséquent, je vais les remettre d’équerre, l’un avec l’autre, l’un grâce à l’autre. C’est une idée qui me plaît bien.
Source et crédit photo : Le Pandore et la Gendarmerie