À la fin des années 2000, une réduction du nombre d’escadrons de gendarmerie mobile (EGM) à 109 unités a été décidée dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Cette mesure visait à moderniser l’État tout en diminuant les coûts, sans altérer les missions de la gendarmerie mobile, comme le maintien de l’ordre public, les opérations extérieures (OPEX), la protection des sites sensibles et les interventions dans des dispositifs de sécurité tels que Vigipirate.
Cependant, ces dernières années, la charge opérationnelle des EGM s’est intensifiée. En 2019, lors du mouvement des « Gilets jaunes », l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale (IGGN) a alerté sur l’épuisement de ses forces. À cette époque, 74 escadrons étaient mobilisés quotidiennement, dépassant le seuil de 65 escadrons recommandé pour préserver les conditions de travail des gendarmes. Bien qu’une stabilisation ait été atteinte ensuite, l’accalmie n’a été que temporaire.
En 2024, des événements majeurs, comme les émeutes en Nouvelle-Calédonie, les tensions en Martinique, la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris (JOP), les commémorations du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie, ainsi que des opérations anti-drogue et des manifestations contre des projets locaux, ont intensifié de nouveau la pression sur les EGM. La crise en Nouvelle-Calédonie a requis un soutien massif avec 2 870 gendarmes mobilisés sur place en septembre 2024, dont plus de 2 000 gendarmes mobiles, alors que seulement 4 à 5 escadrons sont habituellement déployés sur ce territoire. La députée Valérie Bazin-Malgras a souligné dans son rapport que 35 escadrons étaient mobilisés en Nouvelle-Calédonie au plus fort de la crise, une situation marquée par une violence sans précédent. Deux gendarmes ont perdu la vie et 550 ont été blessés.
Les missions nationales n’ont pas été en reste, avec 55 escadrons mobilisés pour les JOP, souvent de manière simultanée. Cette suractivité a provoqué un phénomène de « surchauffe » pour la gendarmerie mobile. Ce niveau élevé d’engagement a également réduit sa capacité à soutenir d’autres unités de la gendarmerie dans des tâches annexes, telles que la sécurité des transports ou la lutte contre l’immigration irrégulière. Un seuil maximal de viabilité pour la gestion des jours de repos et de permissions est fixé à 68 escadrons actifs par jour, mais ce chiffre a atteint 80 de janvier à septembre 2024. En conséquence, le nombre de jours de repos en attente par gendarme mobile a explosé, atteignant 40 jours en moyenne au 30 juin 2024, contre 13 jours seulement en 2022 et 2023.
Mesures temporaires
Pour atténuer cette situation, la gendarmerie a pris des mesures temporaires, comme la réorientation des flux de sortie de ses écoles de formation. Traditionnellement, 25 % des nouveaux diplômés rejoignaient les EGM, mais cette proportion est passée à plus de 35 % depuis fin 2024. Cette augmentation s’est faite au détriment de la gendarmerie départementale, qui connaît également des besoins de personnel importants. De plus, les rotations des EGM dans les territoires d’outre-mer, initialement planifiées tous les trois mois, ont été prolongées à quatre mois pour mieux gérer les effectifs.
Le recours aux réservistes
Le recours aux réservistes pour renforcer les EGM pourrait être envisagé. Cependant, Valérie Bazin-Malgras rappelle que, sauf situations exceptionnelles telles que des insurrections ou des conflits, les réservistes ne sont pas destinés aux missions de maintien de l’ordre public. Actuellement, les réservistes ne participent pas aux opérations en Nouvelle-Calédonie, reflétant cette restriction.
En somme, la gendarmerie mobile fait face à une pression sans précédent en raison de la fréquence et de l’intensité des mobilisations récentes, compromettant la gestion des repos et des permissions de ses effectifs. L’effort de réaffectation des nouveaux gendarmes ne semble que partiellement suffire à pallier le déficit d’effectifs et l’épuisement des ressources, suscitant un besoin de réévaluation des ressources et de la stratégie de gestion des missions dans ce corps clé pour la sécurité publique française.
Source : Zone militaire