La famille du gendarme Mathieu Caizergues, disparu en juin 2017 à La Réunion, a décidé de rendre publique une photo, jusque-là restée secrète, pour les besoins de l’enquête. Un selfie où il apparait blessé. Mais est-ce bien lui qui a envoyé la photo et était-il vivant sur ce cliché ?
Il y a tout juste cinq ans, le 23 juin 2017, Mathieu Caizergues, ce gendarme de l’Hérault, disparaissait lors d’une randonnée au Maïdo sur l’ile de La Réunion. Son corps n’a jamais été retrouvé, et la disparition a eu lieu dans des circonstances pour le moins troublantes. La maman de Mathieu Caizergues se pose toujours autant de questions et demande notamment l’analyse d’un selfie envoyé par Mathieu Caizergues à sa famille le jour de sa disparition.
Une photo dont personne n’avait parlé jusque là pour les besoins de l’enquête mais que la famille Caizergues a finalement décidé de montrer pour tenter de faire avancer les choses. Il s’agit d’un selfie envoyé par Snapchat où l’on voit le jeune gendarme avec une énorme bosse sur le front, grosse comme un œuf de pigeon. Les yeux de Mathieu Caizergues sont barrés d’un rectangle noir avec cette mention : « Pas une bosse d’enfoiré ». Parfois complétée par cette autre expression : « C’est le métier qui rentre ».
Les proches du disparu sont unanimes pour dire que la formule ne lui correspond absolument pas. Les avocats regrettent que l’authenticité du selfie n’ait fait l’objet que du simple avis d’un photographe privé et réclament qu’un laboratoire soit saisi afin de tenter d’améliorer l’image, voire de supprimer le bandeau et de déterminer si les yeux sont ouverts ou fermés.
Rappelons qu’en 2019, les deux hommes qui accompagnaient Mathieu Caizergues lors de la randonnée ont été mis en examen pour non-assistance à personne en danger. On leur reproche d’avoir alerté les secours très tard. Ils affirment que le jeune homme leur aurait fait part de sa volonté de poursuivre seul sa randonnée.
La maman de Mathieu Caizergues était l’invitée de France Bleu Hérault ce mercredi matin 29 juin.
Avez-vous toujours un doute sur le fait que la disparition de votre fils soit un simple accident de randonnée ?
Oui, car le Maïdo, l’endroit précis où il est censé être tombé, d’après les résultats de l’enquête, a été fouillé de fond en comble, notamment une dernière fois en juin dernier par des cordistes professionnels. Donc aujourd’hui, nous savons quasi formellement que Mathieu ne se trouve pas dans le cirque de Mafate.
En 2019, les deux hommes qui l’accompagnaient ont été mis en examen pour non-assistance à personne en danger. On leur reproche d’avoir alerté les secours trop tard, mais eux affirment que Mathieu leur avait fait part de sa volonté de poursuivre seul sa randonnée. Vous avez du mal à y croire ?
On a que leur version. On ne sait pas vraiment si Mathieu s’est retrouvé entre les deux. S’il était devant, s’il était derrière, on n’en sait rien. Quoi qu’il en soit, ils sont arrivés tous les deux à la sortie de la randonnée. Ils ne l’ont pas vu, ils ne l’ont pas attendu. S’ils l’avaient attendu, on n’en serait pas là aujourd’hui.
« Cette photo est tout sauf naturelle, c’est pour ça qu’elle est inquiétante. »
Il y a beaucoup de mystère qui entoure la disparition de Mathieu. Vous rendez publique aujourd’hui une photo, un selfie. Pourquoi avez-vous attendu cinq ans pour le faire ?
Cette photo été versée au dossier. On pensait qu’un jour, après nos multiples demandes, le juge qui à l’époque était en poste serait d’accord pour la transmettre à un laboratoire de la gendarmerie pour la faire analyser. Ça n’a pas été le cas. On a refait une demande quand le juge a changé, ça n’a pas bougé davantage. Donc nous avons décidé de la publier pour que l’opinion se rende compte de ce qu’était vraiment cette photo et du fait que nous soyons inquiets de cette photo et pourquoi nous demandions l’analyse de cette photo.
Quelle est votre interprétation de cette photo ?
Cette photo, elle est tout sauf naturelle. Déjà, il y en un fond bleu qui ressemble à un filtre qui aurait été apposé sur cette photo, le bandeau noir qui est sur ses yeux, j’ai des millions de « snaps » de Mathieu parce que je les ai gardés tous, aucun n’a le bandeau au milieu. C’est toujours en bas ou en haut, mais souvent en bas.
On dirait qu’elle a été retouchée cette photo, c’est pour ça qu’elle est aussi inquiétante.
Vous dites d’ailleurs que la formule un « pas une bosse d’enfoiré » sur ce bandeau, ça ne lui correspond absolument pas.
Non, effectivement, « enfoiré », c’est un mot qu’il ne disait jamais. On a été surpris. D’ailleurs, c’est la première chose qui m’a surprise quand je l’ai analysée de plus près. Ce langage, ce n’est pas le sien.
Vous demandez qu’un laboratoire soit saisi afin de tenter d’améliorer l’image. Qu’est-ce que vous pouvez espérer d’une analyse en laboratoire de cette photo ?
Déjà savoir si elle a vraiment été prise là où on nous fait penser qu’elle a été prise. Elle ressemble à une photo de labo, c’est très étrange. On voudrait aussi voir ses yeux , comment sont ses yeux puisque, à cause de ce bandeau, on ne les voit pas. On sait que c’est faisable. Donc on attend simplement que la gendarmerie fasse le travail.
Cette photo, c’est bien le téléphone de Mathieu qui vous l’a envoyée. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il était vivant quand elle a été prise. Vous avez un doute ?
Mais évidemment, on a aucune certitude que Mathieu est vivant, que Mathieu est en bonne santé au moment où cette photo est prise. On n’en sait rien puisqu’on ne sait même pas si c’est lui qui nous l’a envoyée. `
Est-ce que vous ne craignez pas de fâcher un peu la justice en publiant cette photo aujourd’hui ?
Non, franchement, j’estime qu’au bout de cinq ans, je suis légitime pour le faire. La première enquête a été bâclée. Aujourd’hui, la deuxième enquête doit s’intéresser à ce selfie, ce n’est toujours pas fait. Donc aujourd’hui je n’ai peur de fâcher personne.
Vous avez le sentiment qu’on ne veut pas aller jusqu’au fond des choses ?
Pour moi, ce dossier, depuis le début, c’est une patate chaude. Personne n’en veut. Ça touche la gendarmerie, entre gendarmes, donc évidemment que ça dérange. Et malheureusement, moi aujourd’hui, mon fils, qu’il soit gendarme ou civil, peu importe. Mon fils a disparu et je veux savoir pourquoi il a disparu et où il se trouve.
SOURCE : France BLEU Hérault