Christian Rodriguez, le directeur général de la gendarmerie nationale, a profité de sa visite le 17 novembre au Salon des maires pour faire la promotion d’une nouvelle opération de communication auprès des élus, baptisée #presentspourleselus.
Le directeur général était présent à une table ronde sur les moyens des maires pour agir en matière de sécurité.
Le dispositif, baptisé #presentspourleselus, regroupe de nouvelles mesures et des mesures déjà en place, principalement pour faciliter les échanges entre élus et gendarmerie : dispositif de remontée d’information, alerte SMS en cas d’infractions remarquables sur la commune, application dédiée, recueil des plaintes hors de la gendarmerie. Le dispositif propose aussi des sensibilisations d’élus à travers des formations aux risques « cyber » et à la gestion des incidents ou des immersions.
Les élus ruraux présents dans le public ont dit leur peur d’avoir perdu le lien qu’ils pouvaient avoir avec les gendarmes. Dans certains départements, la nouvelle organisation avec des brigades de gestion des événements plus éloignées que leurs interlocuteurs habituels et « qui ne connaissent pas les lieux-dits », n’est pas comprise. Les nouvelles générations de gendarmes, moins disponibles ou moins identifiables qu’avant, chamboulent les maires.
A la suite de cette table ronde, Christian Rodriguez a répondu aux questions de « La Gazette » (des communes, des départements et des régions)
Vous avez présenté plusieurs mesures et outils permettant de faciliter les échanges entre élus et gendarmes. Le lien s’était-il distendu ?
Au fil du temps, le lien s’est distendu : toutes les missions arrivant, les urgences, se sont souvent faites au détriment de la présence sur le terrain. Nous avons constaté, notamment après la crise sanitaire, que l’environnement bouge, que les élus sont victimes de violence plus souvent qu’avant. On sent aussi des tensions dans les territoires. Nous avons, depuis quelques années, enclenché un virage à 180° : il est urgent de renouer un lien avec ceux qui sont nos premiers partenaires dans les territoires.
On ne sera jamais trop proches les uns des autres. Ce que nous avons engagé, c’est une somme de mesures, dont certaines qui existaient déjà ou qui sont revitalisées et d’autres, nouvelles. C’est un ensemble de mesures qui visent à créer des liens forts. Nous travaillons selon un principe que l’on appelle de redevabilité, de proximité et d’accompagnement. On doit des comptes aux élus : quand il y a un cambriolage ou quelque chose de plus sérieux qui se produit dans sa commune, il faut que le maire le sache, notamment grâce aux alertes par SMS.
Il faut aussi que l’on partage le constat de ce qu’il s’est passé dans leur circonscription, de ce que l’on a fait pour travailler ensemble sur ce que l’on va faire dans la période qui suit. L’accompagnement, c’est aussi partager l’expertise qu’on peut avoir sur les sujets « cyber » notamment avec le programme « Immunité » ou la formation « Maire » qui permet aux élus de mieux gérer les crises.
La prévention en matière de cybersécurité est elle un nouveau rôle pour les gendarmes. Sont-ils formés à ces sujets ?
D’une manière générale, notre première mission ce n’est pas d’arrêter les voleurs, c’est qu’il n’y ait pas de voleurs. La prévention est notre priorité. Sur le risque « cyber », nous sommes engagés régulièrement en cas d’attaque informatique, comme les rançongiciels. Le niveau de prévention et d’acculturation au numérique est aujourd’hui proche de zéro. Ce que nous souhaitons aujourd’hui, avec notre programme, c’est faire un bilan, alerter, aider à faire monter en compétences les collectivités.
Nous avons créé un commandement du « cyber » qui gouverne 7 000 cyber-enquêteurs sur l’ensemble du territoire, et on passera à 10 000 dans les deux ans. Nous travaillons avec l’Anssi sur ces sujets bien sûr, et on va continuer. Tous les contentieux aujourd’hui peuvent avoir un volet cyber.
De nombreux élus se sont plaints d’une nouvelle réorganisation, avec l’expérimentation des brigades de gestion des événements dans certains départements. Quel bilan tirez-vous de ces expérimentations ?
La brigade de gestion des événements a été inventée par le groupement d’Agen, dans le Lot-et-Garonne, et nous avons décidé de le tester également en Isère. Le Lot-et-Garonne et l’Isère sont des départements assez opposés dans leur sociologie, dans la délinquance qu’on peut y observer. L’expérimentation m’a convaincu que ça marchait quand c’était bien réglé. J’ai décidé de généraliser ou en tout cas de le faire dans un maximum d’endroits avec une intention un peu cachée : ce qu’il doit se faire dans les Landes, par exemple, en terme de réponse à l’insécurité, c’est dans les Landes que ça doit se décider, ce n’est pas à Paris.
Nous donnons des outils, nous formons des opérateurs et nous demandons que le service soit organisé localement pour qu’il réponde aux attentes du territoire. En complément de ces brigades, il y a un algorithme qui permet d’avoir le nombre de patrouilles au bon endroit, en nombre suivant, la nuit, pour couvrir les interventions qu’on a observées sur les cinq dernières années. Ça veut dire que si on met des patrouilles de nuit à ces endroits-là, le reste sera géré à l’ancienne. Comme nous sommes sur un principe de juste suffisance, nous aurons moins de gendarmes engagés la nuit, et donc plus de gendarmes disponibles dans la journée.
Quand j’entends une maire me dire qu’on a engagé la brigade de gestion des événements qui était à 30 kilomètres, ce n’est pas comme ça que ça devrait se traduire. Nous allons continuer à affiner. S’il y a des endroits où les maires ou les gendarmes me disent que ça ne fonctionne pas, nous reviendrons en arrière et nous ferons comme avant. Je ne vais pas faire une réforme contre les maires. Je trouverais ça dommage, car on perdrait en performance collective ; mais les maires sont nos partenaires, donc on le fera avec eux.
SOURCE : LA GAZETTE