- Des organisations criminelles du monde entier utilisaient un téléphone crypté pour communiquer.
- Après plusieurs mois de travail, les gendarmes ont trouvé le moyen de contourner le chiffrement des messages. Une soixantaine d’enquêteurs sont chargés de les analyser.
- Les gendarmes ont travaillé, au cours des derniers mois, avec la police hollandaise qui s’intéressait également à ces appareils cryptés. Plusieurs centaines de personnes ont déjà été interpellées aux Pays-Bas et des milliers de kilos de drogues saisis.
Son nom : EncroChat. Un téléphone crypté hypersécurisé, intraçable, garantissant un anonymat complet à ses utilisateurs. En une fraction de seconde, ces derniers peuvent effacer toutes les données sensibles qu’il contient. L’appareil, vendu 1.000 euros sur le marché noir, a été adopté dans le monde entier par des organisations criminelles persuadées que leurs conversations ne seraient pas interceptées par les forces de sécurité. Mais dans la nuit du 12 au 13 juin 2020, un message d’alerte s’est affiché sur leur écran. Le réseau a été « infiltré illégalement » par des « entités gouvernementales ». « Il vous est conseillé d’éteindre votre appareil et de vous en débarrasser immédiatement. »
Les gendarmes du Centre de lutte contre les criminalités numériques ont commencé à s’intéresser à ces téléphones en 2017, alors que les exnquêteurs en saisissaient de plus en plus dans des dossiers de criminalité organisée. Problème : les conversations étant chiffrées, ils étaient inexploitables. Ils découvrent néanmoins que les serveurs utilisés par EncroChat sont installés dans le Nord de la France. La Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Lille va alors ouvrir une enquête préliminaire.
« Les communications ne concernaient que des activités criminelles »
De leur côté, les techniciens du département Informatique Électronique de l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) vont mener des travaux de recherche approfondis, financés en partie par des fonds européens, pour comprendre le fonctionnement de ces appareils et tenter de percer leur coffre-fort. Après plusieurs mois de travail, ils parviennent à trouver une solution pour contourner le chiffrement et « récupérer en direct les conversations des utilisateurs de ces téléphones », indique la colonelle Fabienne Lopez, explique à 20 Minutes la colonelle Fabienne Lopez, cheffe du centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N).
Les messages sont ensuite analysés par la soixantaine de gendarmes, issus de différents services, qui composent depuis mars dernier la cellule d’enquête nationale. « Très vite, on s’est rendu compte que les communications ne concernaient que des activités criminelles, essentiellement du trafic de stupéfiants, raconte la cheffe du C3N. On a aussi détecté de nombreux projets de meurtres ou d’atteintes graves à l’intégrité physique qu’on signalait aux autorités des pays concernés afin qu’ils empêchent la commission de ces crimes. »
En avril 2020, sous l’égide d’Eurojust, une équipe commune d’enquête est constituée avec les policiers néerlandais qui s’intéressent également de près à ces appareils utilisés par 10.000 personnes dans leur pays. L’analyse des millions de messages échangés par leurs possesseurs leur permettra d’interpeller une centaine de suspects et saisir plus de 8.000 kg de cocaïne, 1,2 tonne de méthamphétamine, des dizaines d’armes à feu, des montres de luxe, des voitures utilisées pour le transport de drogue, plusieurs millions d’euros en liquide, et de démanteler 19 laboratoires de drogues synthétiques.
Source 20 minutes.