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Frédéric Le Louette : « L’affaire Benalla jette le discrédit sur les gendarmes »

L’affaire Benalla, n’en finit plus de secouer une France abasourdie par ce genre de pratiques. Les gendarmes sont en colère et désirent que toute la vérité soit faite sur cet événement. Entretien avec Frédéric Le Louette de GendXXI, qui commente cette affaire mais aussi le ressenti des gendarmes.
 

Jérémy Armante : Beaucoup de gendarmes ressentent comme une salissure, au sujet de l’affaire Benalla. Nous entendons des gradés montés au créneau, la DGGN communique avec ses soldats, mais ce qui nous intéresse c’est le ressenti du soldat. il se dit quoi aujourd’hui dans les rangs de l’institution ?

Frédéric Le Louette : Les gendarmes avec qui je discute sont surpris et en colère. L’affaire Benalla jette le discrédit sur les gendarmes, sur les réservistes et sur la gestion du recrutement de la réserve en gendarmerie. La nomination d’Alexandre Benalla au grade de lieutenant-colonel est très mal perçue. Nos camarades se posent beaucoup de questions.

La DGGN publie en faisant savoir notamment, que son avis était défavorable au sujet de monsieur Benalla en ce qui concerne son passage de grade. Qu’en pensez-vous ?

Le ministre de l’Intérieur a affirmé sous serment, ce lundi 23/07/2018, qu’Alexandre Benalla est devenu lieutenant-colonel, au titre de spécialiste dans la réserve, sur la proposition du général Lizurey. Cette déclaration va à l’encontre des premiers éléments qui nous avaient été remontés par la DGGN. Une explication du Directeur Général me semble nécessaire pour savoir comment cette nomination a été possible. Il ne doit pas y avoir de flou dans cette affaire. La DGGN a indiqué que le contexte terroriste, et la nécessité de renforcer les réflexions autour de la défense de nos emprises, ont contribué à ce recrutement. Si le recrutement d’Alexandre Benalla était nécessaire, pourquoi aucune mission ne lui a été confiée ? Une rémunération lui a-t-elle été versée malgré l’absence de prestation ?

Le Journal Le Parisien, publie aujourd’hui une information, selon laquelle, monsieur Benalla ferait parti d’une liste de 74 personnes dîtes « expertes  » et que la DGGN ferait appel à ces personnes uniquement lorsqu’elle ne disposerait pas, elle-même, d’experts disponibles dans ses rangs. Selon-vous, quels sont les critères retenus pour en faire partie ?

La réserve opérationnelle spécialisée est composée d’expert dans de nombreux domaines (informatique, prévention incendie, ressources humaines…). Au vu de l’affaire qui nous concerne les critères me semblent bien flous.  

Connaissez-vous les 73 autres personnes qui composent cette fameuse liste ? Dans le cas contraire, cela vous évoque quoi ?

Non je ne les connais pas. Il me semble nécessaire que la gendarmerie communique les noms des personnalités qui sont dans cette réserve opérationnelle spécialisée. En particulier, si des rémunérations sont prévues et distribuées.

gendxxi

La DGGN communique enfin, cela après plusieurs jours depuis le démarrage de cette affaire. En admettant qu’elle n’ait eu l’information qu’à la sortie dans la presse, pourquoi avoir autant tardé et laissé les mauvais sentiments se développer dans ses rangs ?

Il faudrait poser la question au Sirpa gendarmerie mais, je crois que la prudence dont a fait preuve la gendarmerie était nécessaire. Dans un premier temps, de la communication était celle des « politiques » en priorité. La gendarmerie devait attendre. La gendarmerie a communiqué dans le week-end du 21 et 22 juillet 2018. Il était nécessaire de le faire, même si je trouve dommage que la communication de la DGGN se soit principalement portée vers les réservistes. Suite aux auditions de la commission des lois de l’Assemblée Nationale, je pense que la DGGN devra donner des précisions aux gendarmes.

La DGGN aurait-elle pu être informée plus tôt, par le ministère de l’intérieur, du problème « Benalla », depuis l’incident qui date du 1er Mai ?

Nous étions sur un secteur police. Les unités engagées sur les lieux étaient des unités de la police nationale. Je pense que cette affaire ne concernait pas la gendarmerie car, seule la « qualité » de réservistes de la gendarmerie des 2 principaux protagonistes mise en cause, a provoqué la « mise dans la boucle » de la gendarmerie.

Interview du DG dans Ouest-France

Un tout autre sujet à présent : Le directeur de la gendarmerie, dans une interview dans Ouest-France, s’exprime sur la baisse de moral de ses gendarmes. Avez-vous une réaction sur le sujet ?

Les remontées que nous avons à GendXXI sont très mauvaises. Le moral n’est pas bon. La situation des unités motorisées, et des personnels CSTAGN, nous inquiète particulièrement. La hiérarchie ne semble pas prendre la mesure du malaise. 

Le directeur, informe qu’il n’est pas prévu de changer les véhicules blindés, mais peut-être d’en récupérer de l’armée de Terre, profitant du changement de blindés dans celle-ci, pour récupérer certains. N’est-ce pas faire du neuf avec du vieux ?

Récupérer les vieux blindés des armées n’est pas une bonne solution mais c’est surement la seule possible dans le contexte budgétaire. Cette solution est très loin d’être réalisée malheureusement. Après Notre-Dame-Des-Landes, nous ne pouvons que soutenir une action qui vise à redonner une compétence de blindés correcte à la gendarmerie. Même si encore une fois la « solution » est loin d’être idéale.

On apprend dans cette interview que le taux de gendarme adjoint volontaire est descendu à 1.7 demande pour un poste… N’est-ce pas préoccupant, quand on sait qu’ils sont essentiels au fonctionnement d’une brigade ?

Oui c’est préoccupant. GendXXI demande depuis des mois que des efforts soient réalisés pour les GAV (gendarme adjoint volontaire). Il faut donner les moyens à nos GAV de réussir le concours interne. Actuellement la formation pour les GAV est pratiquement nulle et dépend quasi exclusivement des unités du premier niveau. Elles n’ont pas les moyens et le temps de faire une formation correcte. La gendarmerie doit rendre plus attractif la fonction de GAV sinon, nous aurons un gros problème de recrutement dans les mois avenir. 

Frédéric Le Louette est sous-officier de gendarmerie (GM) et président de GendXXI
« Association professionnelle nationale des militaires de la gendarmerie du XXIème siècle »

Consultez le site de GendXXI en cliquant ici

© Entretien exclusif Le Pandore et la Gendarmerie 
© Photos : Frédéric Le Louette

Rédigé par pandore

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