Le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, revient en détail sur l’essence du projet GEND 20.24 et son ambition. Cette politique de la transformation met l’humain au cœur de toute décision, qu’il s’agisse de la mission au service de la population ou du cadre de vie professionnel et privé des personnels de l’Institution. Pour répondre aux besoins opérationnels et aux évolutions sociétales, GEND 20.24 se nourrit notamment des avancées technologiques et des capacités d’innovation internes, mais surtout de l’adhésion de tous.
Mon général, en décembre dernier, vous avez présenté devant la chaîne de commandement et le groupe de liaison du CFMG le projet « GEND 20.24 ». Pouvez-vous le qualifier en quelques mots ?
En deux mots, GEND 20.24, pour dire les choses simplement, c’est la primauté donnée à la population et, au sein de la maison, à la transformation. Il y a aussi un énoncé que j’aime bien et qui incarne l’esprit de ce projet : « Répondre présent, pour la population, par le gendarme ». Cette formule doit imprégner et inspirer chacun de nos comportements, chacune de nos actions, chacune de nos décisions.
Pourquoi « répondre présent » ? Parce que c’est la moindre des choses que l’on attend d’un service public de sécurité, parce que c’est le premier devoir d’un militaire et parce que notre pays a besoin, surtout à « l’ère des crises » dans laquelle nous vivons, de forces capables de tenir bon et debout, quelles que soient les circonstances. Notre pays a besoin aussi au quotidien de forces capables de contribuer, y compris hors de ses missions traditionnelles s’il le faut, au maintien des solidarités élémentaires, comme ce fut le cas lors de la crise sanitaire du covid. Quand les gendarmes durant le confinement téléphonaient aux personnes âgées isolées pour prendre des nouvelles, donnaient un coup de pouce humain et logistique aux maires des communes pour réorganiser la vie municipale, ont réadapté leur action pour poursuivre par d’autres voies leur lutte contre les violences intrafamiliales, ils ont répondu présent. Tout ce travail est, pour un futur proche, très inspirant.
Pourquoi « pour la population » ? Parce qu’être au service de la population, la respecter, la considérer, l’aimer, l’aider, veiller sur elle, c’est ça, le premier impératif du gendarme. Je n’ai de cesse de le dire à ceux qui ne nous connaissent pas, je commence toujours par là : être gendarme, c’est aimer les gens, c’est aimer les gens et aimer les aider. C’est un métier humain, profondément humain, d’engagement et de service d’autrui.
Enfin, pourquoi « par le gendarme » ? Parce que pour servir la population qui est notre objectif, notre but, notre raison d’être et notre fierté, mon rôle à moi est de soutenir toujours plus le gendarme, de lui donner les moyens de son action et d’être capable de transformer son environnement immédiat de travail, mais aussi son cadre de vie, pour l’améliorer. Certains manques que nous constatons dans les unités sont d’ailleurs le signe qu’il faut transformer notre Institution pour dégager ces solutions que les gendarmes attendent. Dans mon projet, il y a donc le rappel de ce qui ne doit pas bouger : l’engagement, le dévouement, la disponibilité, bref, les fondamentaux de notre état militaire. Mais il y a bien sûr, et surtout, ce qui peut changer, ce qui doit s’améliorer, ce que l’on peut apporter de nouveau et de plus au gendarme, pour lui-même et pour, in fine, le service qu’il rend à la population. Voilà mon ambition et je dirais même plus, voilà notre devoir commun.
Quelle vision d’avenir du métier de gendarme porte GEND 20.24 ?
Au-delà de l’amélioration quotidienne de la qualité de vie au travail des gendarmes, je veux accompagner le gendarme vers une nouvelle ère. Enrichir le métier pour le rendre conforme aux évolutions de la société, qui, vous le voyez bien sur un certain nombre de thèmes – par exemple l’environnement et la santé –, ne sont plus simplement des évolutions mais des impondérables ! Il y a des « nouvelles frontières » à s’approprier dans notre métier, car le périmètre de la sécurité intérieure lui-même s’étend et adopte des formes nouvelles. Le ministre de l’Intérieur, dans la feuille de route qu’il m’a donnée en décembre dernier, nous a demandé d’adapter notre posture pour y répondre.
La sécurité environnementale et sanitaire est un objectif que la crise du covid a évidemment mis au premier plan et la gendarmerie dispose, avec l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), d’un outil qui depuis 15 ans n’a cessé de monter en puissance. Cette montée en puissance se poursuit en ce moment même et est au cœur de l’élaboration des concepts de « biosécurité » ou de « lutte contre l’écocriminalité », qui sont des enjeux à l’échelle de la planète comme de la Nation. Nous sommes en train de constituer des détachements de l’OCLAESP en région et en outre-mer. C’était une mesure décidée dès l’an passé. D’autres mesures spécifiques suivront et l’OCLAESP verra ses compétences étendues. L’idée est que la gendarmerie de demain a là un véritable rendez-vous auquel elle ambitionne, là encore, de répondre présent.
Ce n’est pas la seule « nouvelle frontière ». Il y a bien sûr le numérique, le cyber. Ce ne sont plus aujourd’hui des territoires « nouveaux », mais ce sont des territoires qui continuent de s’agrandir sans cesse et qui concernent chaque jour des milliers de Français supplémentaires, au fur et à mesure que leur vie continue d’être de plus en plus liée au numérique.
Je veux par exemple que le gendarme soit dès à présent un acteur des « territoires intelligents » qui émergent et qui constitueront les communes et les intercommunalités de demain. Il y a une nouvelle façon de penser les territoires qui se joue actuellement, y compris en zone périurbaine. L’administration d’un territoire, le partage de ses données, la gestion de ses fluides énergétiques, de son éclairage, de ses transports, de ses modes de stationnement, tout cela adopte de nouvelles formes numériques. Ce sont autant d’enjeux ou d’outils nouveaux de sécurité et je veux armer le gendarme pour qu’il puisse remplir tout son rôle dans ces nouveaux fonctionnements territoriaux. Je veux armer le gendarme pour qu’il ait, dans l’intérêt des administrés, un temps d’avance sur ces problématiques et qu’il invente dès aujourd’hui les évolutions de son service pour y répondre. C’est la raison pour laquelle nous allons achever la mue numérique du gendarme, de tous les gendarmes. Je le dis souvent et je l’assume : une carrière de gendarme est désormais impossible sans compréhension des enjeux et des écosystèmes numériques. Toutes ces transformations ne donneront même que plus de sens encore à notre métier. C’est une responsabilité passionnante pour la génération actuelle et je vois combien elle s’y engage avec justesse et talent.
Quelles seront les nouveautés concrètes sur le terrain grâce à GEND 20.24 ?
Il nous faut maintenant passer à l’acte II de notre stratégie du contact avec la population: après le retour sur le terrain au contact de la population et des élus, retour permis sous l’impulsion de mes prédécesseurs, nous entrons maintenant dans une nouvelle phase, celle du service de sécurité sur-mesure que nous devons à nos concitoyens. Actuellement, nous travaillons par exemple sur une application smartphone grand public, où chacun, selon qu’il est un particulier, une association, un professionnel, pourra solliciter et avoir accès aux services de sa gendarmerie « personnalisée », aux services de la gendarmerie dont il a spécifiquement besoin. Cela peut ressembler à un gadget mais c’est une illustration, un symbole, de ce que nous devons chercher à faire au quotidien. Chaque citoyen, de façon physique ou numérique, doit pouvoir avoir accès à sa gendarmerie, à même quant à elle d’entendre, de comprendre et de répondre aux enjeux propres de chacun.
L’accompagnement sur-mesure, c’est également ce que nous devons aux victimes – et c’est un point fondamental. L’attention, le suivi et le soin que nous devons porter aux victimes sont une préoccupation permanente, une obsession de GEND 20.24. Mieux accompagner les victimes, c’est être capables d’intervenir dès qu’elles nous sollicitent, et pour cela améliorer notre organisation, disposer de plus de temps pour être en capacité de répondre à leurs demandes, à leurs besoins. C’est aussi consacrer aux victimes un suivi plus organisé et plus personnalisé. C’est ce que chacun en tant que citoyen attend d’un grand service public et de l’État. Nous le devons a fortiori aux victimes.
Je vais prendre quelques exemples supplémentaires de pistes pour nous améliorer. Pour libérer du temps dans les unités et gagner ainsi des marges et du temps d’intervention, nous avons impulsé une petite révolution dans le service de la gendarmerie départementale, en initiant dans 50 groupements, dès 2020, des dispositifs nouveaux de « gestion des événements », et ce en nous appuyant sur la mine de données dont nous disposons pour mieux nous positionner et nous déployer sur le terrain.
Pour réduire le travail administratif dans les brigades qui mord forcément sur le temps de patrouille, la gendarmerie est sur le point de lancer des « brigades sans fil ». Ce ne sont pas des unités nouvelles mais une extension des capacités numériques de Neogend, l’outil de travail en mobilité des gendarmes. Grâce aux avancées techniques rendant possibles l’idée de « brigade sans fil », des gendarmes pourront par exemple prendre une plainte de façon sécurisée au domicile d’une victime, sans avoir à la convoquer à la caserne.
Pour être plus réactifs pour la population je souhaite également réformer le fonctionnement des CORG, où j’ai trop souvent constaté que ces « cœurs nucléaires » de nos groupements sont trop peu considérés et équipés. L’accueil dans les unités doit également être exemplaire, c’est la première des évidences, toujours utile à rappeler.
Il y a enfin un sujet que j’évoquais tout à l’heure : notre réponse pour lutter contre les violences intrafamiliales. Nous savons tous combien ces questions sont difficiles. Nous savons tous combien les gendarmes sont sollicités en permanence pour des cas de violence dans les foyers, les familles. C’est un sujet extrêmement complexe à résoudre, parfois désespérant tant ces situations sociales sont délicates. C’est pourquoi nous avons décidé d’installer dans chaque département une unité spécialisée sur ces questions. Dans les départements où les Brigades de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ) existent, leur travail est réorienté, élargi, pour devenir le pivot de notre action de lutte contre ces violences. Dans les départements où les BPDJ n’existent pas, des dispositifs ad hoc seront constitués.
A contre-courant de polémiques sur « l’inhumanité » des forces de l’ordre, vous présentez GEND 20.24 comme une priorité donnée à l’humain ? Pouvez-nous dire en quoi ?
Je ne veux pas revenir à nouveau sur le contexte, je me suis exprimé sur ces questions, j’ai écrit aux gendarmes à plusieurs reprises pour leur réaffirmer mon soutien, rappeler fièrement quelles étaient nos valeurs républicaines et militaires, faites d’engagement, d’exemplarité et de service de ceux – de tous ceux !, sans distinction géographique ou sociale, encore moins sans distinction d’origines – qui ont besoin de nous. Prétendre le contraire est une instrumentalisation et un contresens absolu : gendarme n’est pas un métier d’injustice et d’oppression, c’est un service. Dès lors, la gendarmerie n’agit jamais pour elle-même, mais pour les autres, toujours, en étant le gardien du droit et de la loi, qui seuls nous permettent de vivre tous ensemble dans une Nation de 67 millions d’habitants.
J’en viens à votre question : la « priorité à l’humain » portée par GEND 20.24, c’est trois choses.
C’est rappeler en premier lieu que nous n’avons rien inventé de plus moderne et que nous n’inventerons rien de plus moderne dans notre métier que le contact humain avec la population. Nous n’insisterons jamais assez. Nous n’en ferons jamais trop en la matière. GEND 20.24 est un projet de contact humain. GEND 20.24 est un projet de proximité.
C’est rappeler également que le souci de nourrir au quotidien le lien social, le pacte républicain, la cohésion nationale, est consubstantiel à notre mission. Ce lien entre nos concitoyens, nous devons l’entretenir par notre action, ce n’est pas simplement un effet optionnel ou collatéral à rechercher ! Nourrir le lien social, en permettant par exemple aux gens de se rencontrer en sécurité dans la rue ou sur des manifestations populaires, c’est le cœur de la mission que nous confie l’État ! J’ajoute volontiers que cette préoccupation du lien social, du vivre ensemble, de la présence républicaine, est une arme terriblement efficace pour contrer les stratégies visant à déstabiliser la démocratie. Un exemple : nous savons, grâce à de récents travaux de chercheurs spécialisés sur les questions liées à la radicalisation islamiste, que le maillage républicain territorial français a été identifié par l’état-major de l’État islamique comme le premier obstacle à sa volonté de multiplier les enclavements communautaires et salafistes sur le territoire national. Pourquoi ? Parce qu’il existe en France ce maillage républicain, ce maillage humain, permis par le service public, et notamment le service public de sécurité.
Enfin, la priorité à l’humain, c’est rappeler que les 130 000 personnels de la gendarmerie ont aussi le droit que l’on prenne soin d’eux. Je rappelle qu’ils passent leurs journées et leurs nuits à prendre soin des autres. Alors pourquoi n’auraient-ils pas droit, eux aussi, à toute notre attention ? GEND 20.24 leur offrira, en particulier, quelque chose sur laquelle nous avions en interne d’importants progrès à faire et qui est pourtant une élémentaire reconnaissance de leur engagement : je veux parler de la possibilité pour les gendarmes d’être acteurs de leur propre parcours de carrière, de mieux pouvoir l’orienter selon leurs aspirations et leurs besoins. Soyons clairs : le service reste à la base de tout, chacun ne pourra pas servir où il a envie, quand il a envie, car notre devoir est d’assurer la sécurité des Français partout où ils ont besoin de nous. En revanche je veillerai à ce que personne ne soit dans une impasse professionnelle ou bloqué dans un emploi dont il deviendrait impossible de sortir malgré ses efforts personnels de formation et sa manière de servir.
Vous évoquiez un volet de GEND 20.24 plus technologique…
Exactement. La technologie que nous devons faire nôtre est d’abord numérique. J’ai parlé déjà du Neogend nouvelle génération et de notre ambition de « brigade sans fil », mais ce n’est pas tout. Notre réseau de cybergendarmes ; si essentiel pendant la crise, franchira lui aussi un nouveau palier. Nos objectifs sont chiffrés : 7 000 cybergendarmes en 2022, des antennes du C3N dans chaque région en 2023 et des référents sûreté cyber dans chaque groupement. Nos forces cyber ont démontré ces dernières semaines leur rôle stratégique et leur importance absolument considérable. Nous allons encore les renforcer.
Surtout, ce nouveau bond numérique ne se limitera pas à nos effectifs, à nos structures et à nos outils, mais concernera notre métier lui-même. Le gendarme traite l’information depuis toujours ; il doit désormais savoir traiter les données. Mon but est que nous réussissions, grâce à l’intelligence artificielle, et dans le respect des règles de protection des données, à apporter « au bon gendarme, au bon moment, sur le bon support, la bonne donnée », et tout cela de façon automatique. Vous allez tout de suite en saisir les enjeux avec quelques exemples. Nous imaginons l’affichage automatique sur le Neogend des gendarmes des numéros de téléphone des commerçants ou exploitants agricoles potentiellement menacés après un cambriolage voisin. Nous imaginons aussi l’apparition automatique sur le téléphone ou la tablette de nos patrouilles de la fiche de traitement des antécédents judiciaires d’un malfaiteur dont elles viendraient d’avoir le signalement. Nous imaginons encore des notifications qui signaleraient, alors que les gendarmes entameraient par exemple la rédaction d’une procédure sur une situation de violence intrafamiliale, les dernières modifications de la procédure pénale sur ce thème. C’est ça, la transformation numérique que nous voulons. Pour qu’elle soit utile au terrain, à la fois à la population et au gendarme.
Au-delà du bond numérique, je souhaite un choc technologique. La « R&D » est une ambition assumée de la gendarmerie, ambition que GEND 20.24 s’est donné comme mission d’accélérer. Comment ? En nouant notamment des partenariats avec des laboratoires de prototypage rapide, permettant à nos gendarmes innovateurs de pousser plus facilement leurs idées jusqu’à ce stade. En créant également à terme notre propre laboratoire de prototypage. Et de façon régulière, comme nous avons commencé à le faire, en entretenant un dialogue précis et suivi avec l’industrie. La maison fourmille d’initiatives et d’innovations. Mon but est de les structurer et de les impulser. Je veux que GEND 20.24 soit la rampe de lancement de nouvelles ruptures technologiques. Dans ce contexte, j’ai annoncé qu’en 2022 nous recruterions chaque année 40 % de scientifiques dans le corps des officiers. Chacun comprendra les enjeux de ce recrutement.
D’ailleurs, vous dites souvent que vous ambitionnez que la gendarmerie forme une « communauté de la transformation » qui serve de tremplin à ses projets. S’agit-il de la communauté des chercheurs et des scientifiques de la gendarmerie ?
Ils en sont évidemment des piliers essentiels, mais la « communauté de la transformation » va bien au-delà. Si je parle de communauté de la transformation, c’est parce que chacun de nos 130 000 camarades a un rôle à jouer. Et un rôle plus grand qu’il ou elle ne le croit !
Première idée : la transformation part de ce qui est au centre, c’est-à-dire du terrain. Si elle ne part pas de là, elle ne se fera pas. Je le dis très clairement : tout un tas de décisions, aujourd’hui prises au niveau de la direction générale, vont être transférées aux échelons territoriaux, pour qu’elles soient prises sur le terrain. Plus que jamais nous faisons et ferons confiance aux gendarmes, pas pour les absoudre de leur responsabilité, il n’en est rien, mais pour leur permettre de l’employer de la façon qu’ils estiment la plus juste et la plus utile à la population.
Deuxième idée : la communauté de la transformation, c’est l’innovation participative décuplée au sein de la gendarmerie, institution qui a fait de cette démarche un pilier de sa stratégie d’innovation. Nous avons non seulement confiance dans les idées d’innovations portées par les gendarmes eux-mêmes, et plus encore nous en avons besoin. Car encore une fois, le gendarme est celui qui sait le plus ce dont il a besoin ! Dans ce domaine nous ne partons pas de nulle part, loin de là. Les Ateliers de performance, Cap modernisation, tout cela fonctionne remarquablement. Mais si nous sommes francs, ce sont toujours les mêmes qui font remonter des innovations et qui recommencent, inlassablement. Ce sont nos serial-innovateurs et merci à eux ! Ils sont 1 %. L’enjeu de la méthode GEND 20.24, c’est d’élargir ce cercle. Que les camarades d’unité de ceux qui ont innové se mettent à leur tour à innover. Quel élan ce serait ! Ne nous en privons pas.
Troisième idée : la communauté de la transformation, c’est un état d’esprit. Vous vous souvenez de la définition de la Nation par Ernest Renan ? « Avoir fait ensemble de grandes choses et avoir envie d’en faire ensemble encore. » Dans mon esprit, c’est cela la communauté de la transformation de la gendarmerie. Que nos gendarmes se disent bien que ce qu’ils inventeront les aidera eux, le lendemain aidera leur unité, et le surlendemain aidera leurs camarades de la France entière. Alors je leur dis de créer, d’essayer, de tenter, que la solution ne tombera pas de la D.G., mais qu’ils peuvent compter sur elle pour son soutien technique et son accompagnement pour les aider à concrétiser.
Quatrième idée : la communauté de la transformation a vocation à s’ouvrir vers l’extérieur à chaque instant. Autant nous devons mobiliser toutes les idées des gendarmes, autant nous devons les confronter aux idées et technologies qui cheminent dans toute la société. Nos camarades réservistes, ambassadeurs, amis de la gendarmerie sont à cet égard des soutiens précieux. Nous avons besoin de leur regard et le sollicitons.
Comment les gendarmes réagissent-ils à cet appel à la transformation ? Y a-t-il un engouement ou à l’inverse une crainte ?
Je vais être franc : cette transformation n’est pas une option car – c’est toujours la même idée – nous ne la réalisons pas pour nous faire plaisir, nous ne la réalisons pas pour nous, mais pour être capable de répondre présent face aux enjeux de notre époque. Dès lors je n’ai à convaincre personne, car les gendarmes, y compris pour tenir dans ce métier difficile, mettent toujours au premier plan le sens de leur action. Mon rôle est d’impulser, de mobiliser, de tenir un rythme, d’expliquer et réexpliquer dès qu’il le faut, de ne rien cacher des attentes de nos autorités et des élus de la Nation, et de rappeler quel doit être notre cap pour la population.
Alors je rappelle, obstinément, inlassablement, les fondamentaux : se demander toujours comment nous utilisons notre temps, quels moyens nous utilisons et pourquoi, si nos méthodes sont utiles et efficaces, si elles servent au plus près comme c’est notre devoir les intérêts de la population. N’avoir de cesse de s’interroger sur ces enjeux, c’est ça, au fond, la transformation. Derrière son côté technocratique, se transformer, c’est mieux fonctionner tous ensemble et alléger nos contraintes, du planton de la brigade jusqu’aux bureaux de la direction générale. Se transformer, c’est récupérer des marges de manœuvre pour la vie des unités et l’action de terrain. Se transformer, c’est pouvoir passer plus de temps à répondre aux besoins de nos concitoyens. Et puis se transformer – je reboucle ici avec le début de notre entretien –, c’est anticiper les enjeux nouveaux sur lesquels nous sommes attendus et qui constituent désormais notre devoir. C’est ça l’âme de GEND 20.24 : donner à nos gendarmes des atouts et des outils nouveaux pour exercer leur métier avec le plus de justesse et de sens possible. Il ne s’agit que d’une seule et unique chose : pouvoir servir efficacement nos concitoyens. Et répondre présent, toujours, pour la population, par le gendarme.
Source gendarmerie nationale