Avec cette application, les gendarmes pourront saisir des données ethniques, religieuses ou politiques si elles sont « strictement nécessaires », mais des questions persistent.
Le point en trois questions. Quelles sont les données concernées ?
Le décret adopté le 20 février par le premier ministre, Edouard Philippe, et le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, autorise l’usage d’une « application mobile de prise de notes » par les militaires de la gendarmerie nationale. Appelée GendNotes, elle est intégrée aux smartphones et tablettes Neogend qu’utilisent déjà les gendarmes.
Cette application sera utilisée « à l’occasion d’actions de prévention, d’investigations ou d’interventions nécessaires à l’exercice des missions de police judiciaire et administrative ».
Parmi les données qui peuvent être collectées figurent des informations « relatives à la prétendue origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle », précise le texte. Ce sont ces informations qui posent question.
La collecte d’informations personnelles par les militaires de la gendarmerie nationale avec l’application GendNote a réveillé des craintes d’un fichage permanent chez de nombreux défenseurs des libertés individuelles.
Il est vrai que de tels fichiers ont existé, sous différentes formes avec, dans les dernières décennies, la tentation de mettre à profit le développement des réseaux informatiques pour faire communiquer des bases de données entre elles et accélérer la transmission d’informations.
Quels sont les garde-fous de l’outil ?
D’une part, ces données à caractère personnel ne peuvent être collectées que si elles sont « strictement nécessaires, adéquates et non excessives au regard des finalités poursuivies ». D’autre part, elles ne peuvent être enregistrées que « dans les zones de commentaires libres ».
Ce détail technique fait toute la différence car il signifie qu’il est impossible de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir de ces seules informations sensibles (« musulman », « syndicaliste »…). Par ailleurs, aucun dispositif de reconnaissance faciale ne sera mis en œuvre à
partir de photographies prises dans ce cadre.
La durée de conservation des données est prévue pour trois mois ; la durée maximale ne pouvant excéder un an. En revanche, les données relatives à l’enregistrement lui-même (l’auteur, la date, l’heure, le motif de l’opération et, le cas échéant, les destinataires des données) sont, elles, conservées six ans.
Autre point ayant suscité des inquiétudes
Ce sont les gendarmes qui décident de la « nécessité » et de l’« adéquation » de cette collecte d’information. Pour les aider, le ministère de l’intérieur s’est engagé à « prérenseigner les champs libres avec une information spécifique relative à la manière dont il convient de les renseigner », explique la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dans son avis du 3 octobre.
D’ailleurs, la CNIL pourra être amenée à contrôler elle-même la mise en œuvre de ce traitement, rappelle l’avocat Emmanuel Daoud, membre du collectif Les Surligneurs, joint par Le Monde. Cela peut se faire par autosaisine, comme ce fut le cas pour les fichiers Judex et STIC en 2009 et 2013,ou après une plainte, comme en 2007 contre un fichier établi par la gendarmerie et illégal, car non déclaré préalablement auprès de la commission.
Surtout, les critiques se concentrent sur les destinataires de ces informations : en effet, parmi les personnes pouvant y avoir accès, on trouve les militaires de la gendarmerie nationale et les autorités judiciaires, mais aussi les autorités administratives, comme le préfet et le maire. Or les détracteurs de ce traitement estime que cette confusion est potentiellement dangereuse.
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SOURCE : LE MONDE par Mathilde Damgé
Source image tableau Néogend par Sud-Ouest.fr