Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, relance un débat sensible en proposant d’autoriser la fouille des téléphones portables des personnes en situation irrégulière. Cette initiative, selon lui, viserait à mieux comprendre les parcours migratoires et à identifier les réseaux de passeurs, en France comme à l’étranger.
Actuellement, en droit français, fouiller un téléphone est une opération juridiquement encadrée, assimilée à une perquisition. Pour accéder aux données, le consentement du détenteur du téléphone est généralement requis, notamment en ce qui concerne la fourniture du code de déverrouillage. En l’absence de consentement, seule une autorisation délivrée par un juge indépendant peut permettre cette fouille, sauf en cas de flagrance. Dans une enquête en flagrance, la fouille est en effet autorisée sans accord préalable du suspect. Toutefois, refuser de transmettre son code de déverrouillage est une infraction, à condition que les forces de l’ordre prouvent que ce code est indispensable à l’accès aux données.
Les règles
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans un arrêt du 4 octobre 2024, a renforcé ce cadre juridique. Elle exige que toute fouille de téléphone se justifie par un « intérêt général », et que soit démontré un lien clair entre le contenu du téléphone et une infraction pénale. Elle insiste aussi sur la nécessité d’un contrôle par une autorité judiciaire véritablement indépendante, excluant de ce rôle le procureur de la République, jugé non suffisamment autonome. Le principe de proportionnalité doit également être respecté.
Les informations extraites des téléphones peuvent inclure la géolocalisation, les photos, vidéos, messages ou historiques de navigation. Toutefois, certaines données dites sensibles — liées à l’origine ethnique, aux convictions politiques ou religieuses — restent protégées et ne peuvent être exploitées.
L’objectif du ministre
Dans la vision de Bruno Retailleau, cette fouille numérique permettrait d’identifier les origines géographiques des personnes en situation irrégulière et de remonter les filières de l’immigration clandestine. Néanmoins, des garde-fous doivent être maintenus, notamment pour protéger les professions sensibles comme les avocats ou parlementaires, et pour garantir que seules les données strictement nécessaires à l’enquête soient exploitées, comme le rappelle la CNIL.
En somme, la proposition de Retailleau remet en lumière la tension entre sécurité publique, respect de la vie privée et protection des droits fondamentaux.