De nombreuses scènes du film Ad Vitam, avec Guillaume Canet, également co-scénariste, qui est sorti sur Netflix vendredi 10 janvier, ont été tournées au sein même du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Le commandant de l’unité, le général de division Ghislain Réty, explique pourquoi à GENDinfo et dans quelles conditions le Groupe a collaboré à la réalisation de ce film.
Mon général, beaucoup de films ont déjà été réalisés sur le GIGN. Pourquoi avoir accepté de participer à ce projet ?
Ce film, c’est un peu le GIGN vu de l’intérieur. Avec les problématiques d’équilibres internes, de vie de famille, de vie en collectivité. C’est ce qui était intéressant. Il y a eu, c’est vrai, des films sur les missions célèbres du Groupe, comme la prise d’otages de Djibouti (L’intervention, 2018), celle du vol Air France sur l’aéroport de Marignane (L’assaut, 2011), ou encore celle d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie (L’Ordre et la Morale, 2011). Mais, à ma connaissance, c’est le seul film qui traduit assez fidèlement ce qu’est la vie au GIGN, en dehors des entraînements et des opérations. C’est ce qui m’a séduit. Le fait de faire découvrir une autre facette, peut-être la plus importante, parce qu’elle concerne l’humain. L’humain qui ensuite est envoyé en mission, mais qui commence dans les casernes, dans les familles, avec les problèmes qui peuvent exister dans un couple, ou avec le voisinage. Je connais à peu près tous les films de Guillaume Canet, son écriture, et je savais qu’il pouvait réussir cette approche d’une collectivité, comme on peut le voir dans Les petits mouchoirs, par exemple.
Pour parvenir à obtenir ce réalisme, il a fallu que vous ouvriez grand les portes du GIGN, comme jamais auparavant. Pouvez-vous nous raconter ce tournage et les coulisses ?
De nombreuses scènes ne pouvaient effectivement être tournées qu’au sein du GIGN, pour être les plus réalistes possible. On ne pouvait pas les reproduire en studio, parce qu’elles comprenaient des éléments caractéristiques du Groupe. Donc, en lien avec le Service d’information et de relations publiques des armées – gendarmerie (SIRPA-G), on a validé ce principe d’un tournage au GIGN.
Au début, on avait plutôt imaginé des petites équipes, mais on s’est rapidement aperçu qu’on aurait eu un résultat assez médiocre. J’ai donc validé une montée en puissance, qui était le prix à payer pour avoir le maximum de réalisme et de qualité. Quand on accepte un film pour Netflix, forcément, on ne peut pas s’attendre à avoir quatre personnes dans une caserne ! Ce sont des équipes techniques de 70 à 80 personnes, des vrais experts. C’était très enrichissant d’ailleurs de les voir à l’œuvre. Quand on a tourné les scènes dans mon bureau, par exemple, il y avait des techniciens sur des grues derrière les vitres, pour les éclairages.
Combien de temps a duré le tournage ?
Une quinzaine de jours, mais ce sont des journées très, très intenses. Ça démarre tôt. Les premières équipes se mettent en place entre 5 et 6 heures le matin, et ils peuvent tourner parfois jusqu’à 2, voire 3 heures du matin. Je les avais prévenus que c’était un milieu un peu hermétique, et qu’ils devraient se plier aux codes de l’unité. Il a aussi fallu faire accepter les contraintes en interne. Et ça, c’était mon rôle. La priorité, bien évidemment, étant qu’il n’y ait aucune conséquence sur l’activité opérationnelle, qui devait être maintenue à 100 %.
Finalement, ça a matché, avec des compromis des deux côtés, qui permettent d’avoir un résultat qui, je pense, retrace globalement assez fidèlement la vie au GIGN, l’ambiance, les temps forts, même s’il subsiste encore des aspects un peu caricaturaux, bien sûr.
Une autre contrainte était celle des nombreux figurants pour certaines scènes. Comment avez-vous géré cet aspect ?
Traditionnellement, pour faire de la figuration sur un film, il suffit de s’inscrire en ligne sur Internet, puis de venir travailler à la journée. J’ai décidé que je n’accepterais pas n’importe quel figurant, sachant que je ne pouvais pas non plus passer tous les candidats au fichier. On est donc parti de l’idée que ces figurants, on les connaîtrait tous, et que ce ne seraient pas des gendarmes du GIGN, ni même d’autres gendarmes. On a travaillé sur notre environnement, et on a fait un appel à volontaires au sein du GIGN pour connaître ceux qui avaient des proches, en qui ils avaient totalement confiance, qui accepteraient d’être figurants. Et, pour certaines scènes, il en fallait près de 200 ! Leurs accès étaient bien sûr limités aux zones de tournage, c’est-à-dire le garage, le gymnase…
J’ai même entendu dire que votre frère faisait partie de ces figurants…
Il y avait, bien sûr, beaucoup de membres des familles de militaires du plateau de Satory, du GIGN, mais aussi du Groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM), et effectivement mon frère, parce que Guillaume Canet cherchait quelqu’un pour jouer mon propre rôle, dans un flash-back sur une cérémonie de remise de brevets. Mon frère, sous-officier tout juste retraité de l’armée de Terre, a donc participé au casting et a été retenu. C’est vrai que c’est assez drôle.
Avez-vous refusé le tournage de certaines scènes ?
Disons qu’il y a eu deux cas de figure. Soit on leur expliquait que telle ou telle scène ne se passerait pas comme ça dans la réalité, et comme Guillaume Canet voulait un film qui soit le plus réaliste possible, il en tenait compte. Soit, au contraire, que ça se passerait effectivement comme ça, mais que je ne voulais pas qu’on le montre, pour différentes raisons. Et cela aussi, Guillaume l’a parfaitement accepté, parce qu’il comprenait qu’on veuille préserver notre confidentialité, et que certaines choses n’avaient pas vocation à être exposées au grand public. Mais, bien que ça reste une fiction, on est allé assez loin sur les traditions et la vie au sein de l’unité.
On peut presque parler d’une coproduction Netflix – GIGN !
Il faut rester modeste ! Mais j’ai eu un droit de regard sur toutes les scènes, ce qui est très bien, et parmi ceux qui ont participé à la rédaction du scénario, il y a aussi un ancien du GIGN, David Corona, que Guillaume connaissait depuis plusieurs années.
Quelle était votre motivation pour avoir accepté de collaborer à ce genre de film, un film d’action grand public ? Était-ce pour faire connaître encore un peu plus le GIGN ? Pour attirer éventuellement des candidats ?
Non, je n’ai aucun problème de recrutement, et je ne compte pas sur ce film pour cela. Je sais que Top Gun a eu des conséquences positives pour l’armée de l’Air, que Le bureau des légendes a fait beaucoup pour la DGSE, mais ce n’était pas le but.
En fait, on avait deux options. On savait que le film serait réalisé et qu’il sortirait. Soit on avançait avec eux, on les accompagnait, et le film serait le plus fidèle possible, tout en nous permettant de fixer des limites. Soit ils le faisaient sans nous, et nous aurions pu être déçus et nous dire que certaines scènes ne correspondaient pas du tout à la réalité. Je ne voulais pas que ce film soit au détriment de l’image du GIGN et de la gendarmerie, dont nous sommes un outil.
Donc, on a décidé d’y aller avec eux, et d’y aller jusqu’au bout, sans demi-mesure. Et au final, je pense que ça met le GIGN en valeur, même s’il a fallu faire des compromis, parce que c’est une fiction, un film Netflix qui va être diffusé dans le monde entier, dans 190 pays et dans 47 langues. Il fallait donc satisfaire tous ces publics, asiatique, africain, américain et européen.
source : Gend’info