Le cyclone Chido qui a dévasté Mayotte, laisse derrière lui un lourd bilan humain et matériel. Un peu plus d’une semaine après, les habitants font face à une aide insuffisante et toujours tardive. Les besoins essentiels, notamment en eau potable et en nourriture, restent criants malgré les promesses des autorités.
Les dégâts sont considérables : plusieurs dizaines de morts, près de 3000 blessés et des milliers de maisons détruites. Des tentes ont été acheminées pour héberger temporairement les sinistrés, mais la reconstruction prendra des mois, voire des années. La détresse et l’impatience montent parmi la population, qui peine à voir une amélioration concrète de sa situation malgré les interventions des autorités françaises.
Le Pandore a rencontré le commandant de la gendarmerie d’Outre-mer, le général Lionel Lavergne, qui nous fait un point de situation
Mon général, quelle est la situation sur le terrain ?
Je tiens d’abord à adresser toutes mes pensées aux Mahoraises et aux Mahorais qui traversent une situation catastrophique. Mayotte, ce ne sont pas seulement ses habitants d’origine, mais aussi tous ceux qui servent ce territoire sans en être originaires. C’est à tous ceux qui font vivre Mayotte et qui ont été touchés par cette catastrophe que je souhaite rendre hommage.
Parmi eux, on compte les 800 gendarmes présents sur place, qu’ils soient affectés ou envoyés en renfort avant le passage du cyclone. Sur ces 800 militaires, aucun blessé n’est à déplorer, malgré la destruction de 52 logements. Dès la levée de l’alerte rouge, 650 gendarmes étaient déjà sur le terrain pour assurer la sécurité et venir en aide à la population. Cela témoigne d’un engagement remarquable et d’une résilience hors norme face à l’ampleur des dégâts. Ce dispositif a permis de répondre aux premières urgences tout en préservant l’ordre public.
Je tiens à saluer l’esprit de corps et la solidarité remarquables dont ont fait preuve les militaires sur le terrain. Les familles ayant perdu leur logement ont été rapidement prises en charge par leurs camarades, permettant ainsi aux militaires de poursuivre leur mission avec sérénité. Cet esprit de solidarité et de cohésion, propre au statut militaire, est un atout majeur dans des situations aussi complexes.
C’est ce que l’on appelle la résilience ?
Oui, face à cette catastrophe, nous faisons preuve de résilience et d’engagement pour accompagner la population mahoraise dans cette épreuve et amorcer la reconstruction dans les meilleures conditions possibles. Cette mobilisation totale, tant humaine que matérielle, témoigne de notre volonté indéfectible de soutenir Mayotte dans cette épreuve. Chaque action, chaque intervention est menée avec rigueur et dévouement, car l’avenir de Mayotte dépend de notre capacité collective à surmonter cette crise et à rebâtir un territoire plus résilient et mieux préparé aux défis futurs.
Vous attendez des renforts ? Le cas échéant, quel sera leur rôle ?
En cette fin de semaine, nous attendons l’arrivée de 400 militaires supplémentaires, portant le total à 1 200 hommes. Ces renforts sont organisés en trois axes principaux :
– Renforts de gendarmes départementaux : Une compagnie complète, incluant des réservistes de La Réunion, pour densifier la présence sur le terrain et renforcer les brigades territoriales. Ces forces supplémentaires permettront d’assurer une présence continue et visible dans les zones les plus touchées.
– Renforts mobiles : Ces unités sont chargées d’assurer un contrôle optimal des zones sinistrées, y compris en appui aux forces de police si nécessaire. Cette capacité mobile est cruciale pour réagir rapidement à tout incident.
– Renforts spécialisés : Des experts en communication, en logistique, des pilotes d’hélicoptères, ainsi que des spécialistes en planification de crise. Ces professionnels assurent la continuité des opérations, même dans les conditions les plus complexes.
Quelles sont vos priorités ?
Nos priorités actuelles sont d’assurer l’ordre public pour prévenir toute atteinte aux biens et aux personnes.
Sécuriser l’acheminement et la distribution des produits de première nécessité.
Enfin de rétablir les infrastructures critiques, notamment les réseaux de communication et les voies d’accès.
Il est important de noter qu’en dépit des difficultés logistiques dues à la double insularité, les secours s’organisent efficacement. Les embarcations et l’hélicoptère de la gendarmerie ont été préservés et restent opérationnels, ce qui garantit une mobilité essentielle pour les interventions rapides et ciblées. De plus, le réseau radio, bien qu’affecté, a pu être partiellement rétabli grâce à des moyens satellitaires temporaires.
Concernant la sécurité publique, il y a aujourd’hui moins de faits d’atteintes aux biens et aux personnes qu’avant le cyclone. Toutefois, la situation reste sous haute surveillance, car la caisse de résonance médiatique peut amplifier des incidents isolés. Il est crucial de ne pas ajouter une crise sécuritaire à la crise humanitaire.
Pour les victimes et les disparus, une délégation de l’IRCGN, l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie, est mobilisée pour faciliter les recherches et l’identification. Ce travail minutieux est essentiel pour apporter des réponses aux familles dans l’angoisse et le deuil.
En matière de reconstruction, la priorité est donnée à la réhabilitation des infrastructures essentielles, notamment les centres de commandement, les casernes et les postes avancés. Ces installations jouent un rôle vital dans la coordination des secours et le maintien de l’ordre public.
Le tout accompagné de défis logistiques immenses ?
C’est vrai que la double insularité complique l’acheminement des renforts et des ressources. Malgré cela, un effort considérable a été déployé pour acheminer les équipements nécessaires et renforcer les dispositifs existants. L’état-major opérationnel mis en place à La Réunion joue un rôle central dans cette logistique complexe, servant de hub pour les opérations de renfort et de soutien.
Au-delà de l’urgence immédiate, la reconstruction de Mayotte devra inclure une réflexion approfondie sur la résilience du territoire face aux catastrophes naturelles. Cela passe par des infrastructures modernisées, des plans de prévention des risques naturels renforcés et une sensibilisation accrue de la population aux bonnes pratiques en cas d’urgence.
L’économie locale, largement fragilisée par cette crise, nécessitera également un soutien spécifique. Des fonds d’urgence devront être mobilisés pour relancer les secteurs clés, soutenir les petites entreprises et préserver les emplois. Une attention particulière devra être portée à l’accompagnement psychologique des habitants, notamment des enfants, fortement marqués par cette catastrophe.
La coopération entre les autorités locales, nationales et les partenaires internationaux sera cruciale. L’expérience acquise lors de cette crise devra servir de base pour anticiper et mieux gérer les futures catastrophes. Un dialogue transparent et régulier avec la population sera également essentiel pour maintenir la confiance et favoriser une reprise sereine.
Dans les semaines à venir, il sera essentiel de maintenir ce niveau d’engagement et d’adaptation face aux imprévus. Le retour à la normale nécessitera une coopération étroite entre les autorités locales, les forces de sécurité, et la population. La transparence et la communication régulière avec les citoyens seront des piliers de cette reconstruction.
Propos recueillis par Jean-Claude Seguin
le Pandore et la Gendarmerie