Le patron de l’Outre-mer, le général de gendarmerie Lionel Lavergne a fait le point sur les priorités chez nos confrères de 20 MINUTES :
« A catastrophe inédite, il faut un engagement inédit », insiste-t-il.
Avez-vous eu des nouvelles de tous les gendarmes déployés à Mayotte ?
Oui, nous avons pu avoir un contact avec chaque caserne. Les 800 gendarmes présents – ceux permanents et ceux en renfort pour trois mois dans le cadre d’une opération de sécurisation – sont tous sains et saufs, ainsi que leurs familles. Mais une cinquantaine d’entre eux ont eu leur logement détruit par le cyclone. Dans une brigade, le toit d’une caserne est tombé sur ses habitants, heureusement sans faire de blessés. Je souhaite aussi avoir une pensée pour les Mahorais et Mahoraises qui vivent une situation dramatique, ainsi qu’à leurs proches, dans l’Hexagone, qui peinent à avoir des nouvelles.
Dans une situation aussi chaotique, comment s’organisent les priorités ?
Dès que la tempête a été rétrogradée, près de 650 gendarmes se sont immédiatement rendus sur le terrain. Nous devons être présents sur trois axes : préserver l’ordre public, secourir les personnes et faire en sorte que la gendarmerie puisse refonctionner de manière optimale rapidement. Face à une situation aussi particulière, tout le monde est sur le pont même si les conditions sont très éprouvantes : la température ressentie actuellement est de 40-45 degrés la journée.
Quelles sont vos premières remontées, notamment en matière de sécurité ? Craignez-vous, par exemple, des pillages ?
Pour l’instant, le niveau d’infraction est plutôt inférieur à la moyenne mais il y a un effet de sidération. Il faut rester très vigilant, notamment dans les jours à venir. Plus la question del’approvisionnement en eau et en alimentation sera un problème, plus les risques de pillages ou d’émeutes sont importants. C’est pour cette raison qu’il faut occuper le terrain, montrer notre présence.
Comment s’organisent les secours ? Comment y participez-vous ?
Nous portons évidemment assistance aux personnes blessées mais nous travaillons aussi à rendre le terrain praticable, à déblayer les routes, rendre accessible toutes les zones sinistrées pour faciliter le travail des secours. Dimanche, nous avons dégagé près de trente kilomètres de route avec des véhicules blindés. D’autres pilotes sont sur le point d’embarquer pour accélérer ce travail. Nous avons également une grosse problématique de liaisons radios endommagées. Ces communications sont essentielles pour assurer nos missions, d’autant que certaines de nos unités n’ont pas le satellite. Les rétablir fait partie de nos priorités.
Combien de renforts sont attendus dans les jours à venir ?
Le week-end prochain, il y aura 400 gendarmes supplémentaires à Mayotte. Des gendarmes mobiles et territoriaux mais également des experts en moyens de communication, en logistique, en planification d’opération de ce type…
Quelles sont les spécificités de Mayotte en matière de secours ?
La principale difficulté, c’est la double insularité de Mayotte. On est obligés d’utiliser l’île de la Réunion comme un « hub » : tous les moyens convergent là-bas, notamment parce que la piste de Mayotte ne peut pas accueillir de gros-porteurs. Il faut essayer d’être le plus efficace possible car chaque minute compte.
Peut-on comparer cette catastrophe à celle d’Irma, le cyclone qui a balayé Saint-Martin et Saint-Barthélemy, en 2017 ?
On peut faire un parallèle, mais il y a également de nombreuses différences. Il y avait là-bas 40.000 habitants, il y en a dix fois plus à Mayotte. Et puis, là-bas, la plupart des habitations étaient en dures. Ce n’était pas le cas à Mayotte.
Quand aurons-nous un bilan consolidé ?
Je ne peux pas y répondre même si nous savons que le bilan officiel est très très en deçà de la réalité du drame. Nous savons aussi que nous ne constaterons pas tous les décès : Mayotte est une terre majoritairement musulmane. Or, dans les rituels islamiques, les corps sont enterrés dans les 24 heures.