Depuis le 5 novembre, le tribunal correctionnel de Paris entame le procès de neuf personnes accusées de reconstituer un groupuscule clandestin nommé « nouveau FLNC » (Front de libération nationale corse). Ces individus sont soupçonnés d’avoir organisé un attentat contre une caserne de gendarmerie à Montesoru, à Bastia, en juillet 2020, dans le cadre d’une lutte nationaliste clandestine.L’origine de cette affaire remonte à des événements du 14 juillet 2020, jour où certains membres du groupe sont apparus armés au couvent Saint-Antoine de Casabianca, lieu historique du nationalisme corse, pour revendiquer l’attentat sous la bannière du « nouveau FLNC ». Quatre ans plus tard, ces hommes font face à des accusations d’ »association de malfaiteurs terroriste ». Plusieurs d’entre eux avaient été placés en détention provisoire après leur mise en examen en octobre 2020.
L’instigateur
Jean-Pierre Santini, une figure centrale du nationalisme corse âgée de 80 ans, est désigné comme « instigateur » dans l’ordonnance de renvoi. Ancien membre fondateur du FLNC, Santini, éditeur et retraité de l’Éducation nationale, aurait, selon les juges, entraîné les autres accusés dans une nostalgie de la lutte nationaliste des années 1970. Parmi les prévenus figurent Pierre Baldacci, Thierry Difraya, Anthony Careddu, Federicu Pellerin, Éric Rigaud, Denis-Ange Testa, Xavier Vanderbeeken-Lazarini et Christophe Vecchi. Leurs activités présumées incluent des tractages, le transport d’armes, des apparitions armées et cagoulées, et enfin l’organisation de l’attentat contre la gendarmerie de Bastia. Cette dernière attaque, cependant, n’aurait causé que de légers dommages, puisque les forces de l’ordre n’en auraient pris connaissance qu’après la revendication par le groupe.L’enquête a révélé des failles dans la discrétion du groupe, qualifiées d’étonnantes par les magistrats. Par exemple, un des membres aurait acheté une combinaison noire pour ses apparitions publiques sur Amazon, laissant ainsi une trace numérique, et utilisé son propre véhicule pour effectuer des repérages autour de la caserne, malgré la présence de caméras de surveillance. Ces détails, ainsi que l’utilisation de moyens modernes de communication, ont permis aux autorités de suivre leurs actions grâce à des écoutes téléphoniques.Les profils des accusés rompent avec le stéréotype de « poseurs de bombes » souvent associés aux mouvements violents clandestins. Certains exerçaient des métiers tels qu’infirmier, soignant en Ehpad, mécanicien ou plombier, et un des membres, marseillais, serait même décrit comme complexé d’être traité de « pinzutu » (non-Corse) tout en nourrissant une fascination pour la clandestinité.
D’autres actions envisagées
Les investigations révèlent aussi que le groupe planifiait d’autres actions pour l’automne 2020, interrompues par les arrestations. Des cibles potentielles avaient été identifiées, incluant des biens immobiliers de personnalités publiques comme la journaliste Léa Salamé et l’ancien ministre Nicolas Hulot.L’affaire met en lumière un phénomène de radicalisation de certains nationalistes corses autour du « nouveau FLNC » et pose des questions sur les formes contemporaines de lutte clandestine en Corse. Ce procès s’annonce comme un événement majeur dans l’histoire judiciaire et politique insulaire, illustrant la persistance du militantisme nationaliste dans un contexte où la violence politique semblait en recul ces dernières années.