Le rapport sur les violences sexuelles et sexistes dans l’armée, commandé par le ministre des Armées Sébastien Lecornu, fait suite à une série de témoignages alarmants. Présenté en visioconférence à 700 cadres militaires, ce document de 154 pages a été élaboré en un mois et demi par trois inspecteurs : le général de gendarmerie, Bruno Jockers, actuel Inspecteur général des armées-Gendarmerie, Sylvie Perez, la médecin générale des armées et une ingénieure générale de l’armement.
Sébastien Lecornu a ouvert la présentation en insistant sur la transparence nécessaire et a réfuté l’idée de violences systémiques au sein de l’institution militaire. Il a néanmoins souligné l’importance de distinguer les dérives individuelles des manquements institutionnels.
État des Lieux
Le rapport dresse un constat sévère des dysfonctionnements dans la détection et le traitement des violences sexuelles et sexistes. En 2023, 226 signalements ont été recensés sur la plateforme Thémis pour une population de 200 000 militaires. Ce nombre est jugé faible, notamment en raison de la peur des victimes de nuire à leur carrière ou de trahir leur groupe. Les inspecteurs soulignent les insuffisances des dispositifs mis en place depuis 2014, notant que de nombreux témoignages n’ont pas été pris au sérieux, les sanctions ont été insuffisantes et les victimes mal accompagnées.
Relations avec l’autorité judiciaire
Le rapport critique la relation distante entre la hiérarchie militaire et l’autorité judiciaire. En 2023, seulement 19 signalements ont été transmis aux parquets, bien que ce chiffre ait augmenté à 26 entre janvier et mai 2024 après de nouvelles directives ministérielles. Le général de gendarmerie Bruno Jockers, l’un des co-auteur du rapport, a clarifié que tout fait grave de violence sexuelle, surtout avec contact physique, doit être systématiquement signalé à la justice. Il a encouragé les victimes à faire confiance à leur hiérarchie et à signaler les faits, non seulement pour elles-mêmes mais aussi pour prévenir d’autres potentielles victimes.
Traitement disciplinaire des auteurs
La mission d’enquête dénonce des « erreurs manifestes d’appréciation » dans le traitement disciplinaire des auteurs de violences sexuelles et sexistes, telles que des sanctions légères pour des actes graves comme le viol. La présomption d’innocence est souvent privilégiée aux mesures conservatoires nécessaires.
Recommandations
Les inspecteurs ont formulé 50 recommandations pour améliorer la prise en charge des victimes, la sanction des auteurs et la prévention des violences. Ils suggèrent notamment de:
- Suspendre les militaires mis en cause dès que des faits crédibles sont établis.
- Sanctionner les supérieurs hiérarchiques négligents dans le traitement des violences.
- Améliorer la remontée des signalements avec la création d’une « cellule d’observation des violences sexuelles ».
- Agir contre la consommation d’alcool dans les emprises militaires, particulièrement dans les écoles de formation.
Importance de la formation
La formation des futurs cadres militaires est cruciale. Sylvie Perez, médecin générale des armées et co-auteure du rapport, a souligné la nécessité de sensibiliser les jeunes générations aux enjeux de la violence sexuelle et sexiste, leur inculquant le respect des libertés individuelles et des impératifs militaires.
Engagement ministériel
Sébastien Lecornu a qualifié le rapport de « percutant, fort, assez unique et inédit ». Il prévoit d’adopter un calendrier ambitieux pour mettre en œuvre immédiatement les recommandations principales. Il a fermement conclu que le rapport devait être suivi d’effets concrets pour améliorer la situation.